Laura Carpentier-GoffreÀ la librairie Le Nouveau Chapitre, un présentoir est spécialement installé pour accueillir les auteur(e)s de la région. Laura Carpentier-Goffre en fait désormais partie. En janvier dernier, cette trentenaire au parcours vivifiant a remporté  le concours d’écriture Les femmes écrivent le monde de demain, devant 600 autres textes, pour son conte engagé, Covid contre Goliath. Une  métaphore de notre monde racontée du point de vue d’une jeune pangolin assistant aux  ravages des « sur-deux-pattes », qui « considèrent que tout le vivant leur appartient » et qui adoptent le  « pouvoir-sur » au lieu de mettre en avant le  « pouvoir-de ». Pour Laura, il n’y a d’ailleurs plus de doutes à avoir et plus de temps à perdre : le vrai pouvoir à exercer est celui de créer, penser, imaginer ou partager. 

Ce conte, Laura l’a écrit lors du premier confinement alors qu’elle était dans la phase finale de sa thèse en sociologie. Un moyen de s’évader et de trouver un peu de lumière : « Ça m’a confirmé qu’il y a quelque chose de vraiment puissant dans l’outil du conte, qui demande à être davantage  exploré. J’ai commencé à en écrire en Bolivie et au Pérou, où ils ne sont pas seulement réservés aux enfants. C’est perçu comme l’occasion de réunir la communauté, de partager une vision, de faire corps et de rêver ensemble, notamment d’un monde plus juste et plus harmonieux ».

Conte sur moi

C’est dans le cadre de ses études en sociologie à Science-Po Paris, sur le campus spécialisé de Poitiers, que Laura s’est rendue en Amérique latine. Dotée d’un esprit vif et curieux, elle est alors déjà parcourue par de nombreuses réflexions sur l’état du monde, la place des femmes, l’injustice, l’uniformité des élites ou les enjeux de pouvoirs. Sur place, Laura se mobilise et travaille d’ailleurs sur les questions des luttes contre les violences sexistes et sexuelles. Elle découvre aussi l’éducation populaire et de nouveaux moyens d’expressions qui l’aident à résoudre cette interrogation : « Comment contribuer à changer le monde sans soi-même faire et dire à la place des gens qui sont concernés par un problème X ou Y ? ».

Son véritable déclic a lieu lorsqu’elle entend parler des « conférences gesticulées », un outil d’éducation populaire qui passe aussi par le théâtre. « L’idée, c’est de parler à la fois au cœur, à la tête et aux tripes des gens pour aller parler de sujets de société ». En 2015, elle créé ainsi Les culottées du bocal, une compagnie, composée d’artistes et d’expert(e)s en sociologie, droit ou psychologie, qui intervient dans le domaine de l’égalité femmes/hommes et autour des violences sexistes et sexuelles. « Pour nous, c'est très important de transformer les imaginaires. Si on ne s’autorise même pas à imaginer un monde meilleur, on ne risque pas de mettre en œuvre les moyens nécessaires pour le faire advenir », soutient-elle. 

Spectacles, ateliers de prévention, veillées contées, livres... Les Culottées interviennent et jouent dans toute la France sous des formes diverses pour des adultes et des ados ou pour les enfants lors d’activités de prévention en milieu scolaire. « C’est une prise en charge et une sensibilisation à différents niveaux. Vis à vis des victimes mais aussi des personnes susceptibles de prendre en charge des victimes ». Laura est d’ailleurs en train de se former à différents outils thérapeutiques car, selon elle, « il n’est pas possible de séparer le volet ‘prévention/sensibilisation’ et le volet ‘soin’ ».

Née à Tours, celle qui a étudié au lycée Sud-Médoc est revenue s’installer à Saint-Médard-en-Jalles il y a quelques années : « J’ai mes proches qui sont dans le coin. J’ai beaucoup beaucoup bougé et, là, j’ai envie de revenir un peu au chaud, je crois », sourit-elle. Laura a d’ailleurs le projet d’installer une antenne locale des « Culottées du bocal »  à Saint-Médard. S’éloigner du tumulte mais  jamais des luttes.