Exposition : « On ne naît pas femme, on le devient »

Par Marie-Hélène Le Ny.  À travers cette exposition, la photographe pose son regard sur la condition des femmes à travers une série de portraits illustrés. 

Cette exposition est à retrouver dans la Ville, du 8 au 21 mars : Parc de l’Ingénieur, Place de la République, Pôle Simone-Veil, Carré des Jalles ou encore chez les commerçants et dans les galeries marchandes de l’Intermarché ou du Centre Leclerc.

Dans le cadre de la quinzaine "FemmeS".

Présentation de l'exposition par Marie-Hélène Le Ny

C’est à Simone de Beauvoir que j’ai fait référence pour construire cette série qui explore les représentations du féminin. En 1949, avec "Le deuxième sexe", elle semblait avoir ouvert aux femmes la voie de la liberté de se construire en tant qu'êtres humains, en fonction de leurs goûts, aspirations et compétences, en dénonçant les assignations liées au sexe dès le plus jeune âge par une société normalisatrice encore très largement fondée sur la coercition des hommes envers les femmes - que ce soit dans la vie privée ou dans l’espace social.
L'émancipation de ces assignations semble évoluer bien lentement, et régresser même sur certains points tant la domination masculine primitive reste encore très souvent relayées par les tenants de traditions archaïques et des médias qui font grand usage de préjugés éculés et simplistes. Afin de faire résonner ce questionnement, j'ai donc mis en place un dispositif de représentation photographique et sonore.

Faire face, dévisager. Des mots qui remontent à l'origine des relations humaines, sousentendant notre part commune d’humanité aussi bien que notre irréductible altérité. La première image qui s'engramme dans le cerveau du nourrisson est généralement celle du visage de sa mère, et c'est sans doute pourquoi les schèmes du visage sont ceux que nous reconnaissons le plus facilement, même dans une écorce, une tache ou un nuage.

Le portrait (photographique) fait image de ces interrogations infinies devant le visage de l’autre, nous mettant en présence d'étincelles de l’énigme du visible. La représentation des êtres humains a soutenu la diffusion des grands mythes de chaque époque - mythologies dans lesquelles les femmes ont toujours occupé une place spécifique liée d’abord à leur sexe. C'est donc le rôle et la représentation des femmes dans le monde contemporain que je mets en question dans ces portraits sonores. L'ensemble constitue un chœur extrêmement riche pour s'interroger sur le sort des femmes. Assignées à résidence ou femmes en liberté pour inventer le monde de demain ?

La photographie relève du registre des images, du simulacre. Souvent pourtant, elle nous représente, atteste par ses quelques minces centimètres carrés de papier, de "qui" nous sommes ! Parallèlement à l’expansion des images dans les médias - particulièrement de ceux qui deviennent des “célébrités”, cette prolifération des images de nous-mêmes a contribué à nous rendre particulièrement soucieux de notre apparence, parfois davantage que de toute autre chose. Dans une société qui mesure tout à cette aune devenue tyrannique, et qui impose des modèles très normatifs, nombreuses sont celles qui se sentent contraintes de (re)modeler leur apparence en permanence pour s’en rapprocher. Ce désir de ressemblance, réactivé à l’infini par le marketing des industries de la mode et des cosmétiques, crée une pression qui se transforme en souffrance pour beaucoup de femmes, altérant parfois jusqu'à l'aliénation leur liberté d’être et de se penser de manière autonome. Le culte des apparences, visant une certaine standardisation planétaire et servi par une publicité intrusive et omniprésente, rassemble aujourd’hui de très nombreux fidèles, confinant même à l’intégrisme - sous différentes bannières, parfois opposées.

D’autres ne maîtrisent ni leur image ni leur apparence que des hommes contrôlent pour mieux contraindre leurs corps. De tous temps l’emprise sur le corps des femmes a été un enjeu fondamental de la domination masculine. Elle se cristallise dans nos rapports aux images et tout particulièrement à la photographie, cette empreinte lumineuse qui emporte immédiatement l’adhésion, dont l’effet de réel est si troublant qu’il conduit souvent à confondre l’être et le paraître, un sujet et sa représentation... Pourtant aucune vérité ne se loge dans l’image (photographique). Comme les autres modes de représentation, c’est à la fiction et à l’interprétation qu’elle fait d’abord appel, aux voies de l'imaginaire, quand sa dimension mémorielle et documentaire n’est pas immédiatement convoquée par les mots et la légende. Et c’est en cela qu’elle reste ouverte et possiblement subversive. Pour que ces portraits se constituent en un espace de création autonome et ne restent pas des apostrophes muettes, j’ai invité les sujets photographiés à faire entendre un texte de leur choix. Ces voix singulières et l'intensité des textes choisis confèrent une vibration sensible aux images, dans laquelle l’être et le paraître s’entremêlent, faisant écho à l’imaginaire et aux questionnements de chacun.

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