Ken Wong-Youk-Hong, plus communément appelé Ken, gagne un prix pour un voyage à Selma, dans le cadre d'un festival. En visitant cette ville, il est immédiatement conquis par ce territoire déstructuré. Une question résonne dans sa tête :"Comment une ville aussi importante pour l'Histoire peut être aussi à l'abandon ?". Peu de temps après son retour, il ressent le besoin d'y retourner, de creuser plus profondément, de donner une voix à Selma.

Ken repart donc en mars 2023, pour un deuxième voyage. Dans ses valises, un projet personnel bien loin des commandes habituelles : réaliser des portraits qui ont une histoire, raconter celle des habitants de Selma, immortaliser l'Histoire sur la question des droits civiques et de la liberté.

 "Je veux mettre en avant les mots que j’aurais voulu entendre à 13 ans, croyant que ma couleur de peau était une faiblesse".

 

 

Un projet artistique fort d'images et de mots

Ken se questionne : "quelle est la place de "l'autre" dans nos vies ? L'autre couleur de peau, l'autre genre, l'autre nationalité. Que représentent ces afro-américains aux regards des autres ?". Les rencontres avec les habitants de Selma sont singulières, certains répondent à l’interrogation de Ken "l'héritage de Martin Luther King, célébré dans les mots de ses discours iconiques, est-il toujours vivant dans cette ville et dans le cœur des habitants ?", d'autres racontent des anecdotes, des situations vécues.

Pour enrichir son projet, l'artiste se rend également à New-York, une plus grande ville où se croisent de nombreuses diversités et personnalités différentes : "c'est une ville qui m'a fait me construire en tant qu'homme de couleur, grâce à ces icônes noires qui s'émancipaient".

 

 

Lors de ses interviews à là-bas, il est accompagné de sa femme, le binôme fonctionne très bien. "Elle a vécu une expérience riche, lorsque l'on abordait des personnes noires, leurs regards étaient différents. Elle a pu se livrer, sur son ressenti en tant que femme blanche avec des noirs. Au cours d'une conversation, une femme l'a appelée "sista", et ça s'était émouvant."

Les réponses à New-York sont différentes, on parle de la place des noirs dans la société américaine, autant que celle des transgenres, des homosexuels, des femmes... toutes les minorités sont représentées.
En août 2023, il retourne à New-York, à l'occasion du 60ᵉ anniversaire du discours de Martin Luther King. "I have a dream".

 

 

L’œil de Ken : un travail sur la singularité et l'intuition

Ken ne choisit pas ses sujets au hasard, il cherche à capturer la lumière de chaque individu. Pour lui, chaque photo est un film immobile : "je suis le réalisateur de mes photos, mais je ne suis pas que Ken, je suis l’âme de tous mes photographiés. La lumière est importante, tant matérielle qu'immatérielle. Je vais donc chercher la lumière des gens, le concept de l'âme". Avant de prendre un cliché, Ken recherche une référence dans le cinéma ou la musique "à qui le mannequin me fait penser ?".

"Un jour, j'étais dans le métro, et il y avait cet homme qui faisait peur, avec des airs de mafieux colombien. Son visage était très fermé et dur. Pour autant, il était d'une douceur avec sa compagne, cela démontrait que c'était une bonne personne malgré son apparence qui fait peur. Je suis donc descendu au même arrêt de métro, je l'ai accosté, et je lui ai demandé si je pouvais le prendre en photo. Naturellement, il a accepté. Comme quoi, j'ai senti le truc, ce feeling inexplicable."

 

 

Selma, l'après Martin Luther King, une exposition à retrouver au Carré des Jalles

Pourquoi exposer à Saint-Médard-en-Jalles ? "Ici, la question de l'égalité est importante. On ressent que les habitants et la municipalité sont avertis, il y a de nombreux temps forts pour sensibiliser sur ces questions. Je m'y sens bien."
Pour l'exposition, Ken a sélectionné 30 portraits parmi les 300 pris lors de ces voyages. Les portraits seront accompagnés de phrases courtes, des verbatims des photographiés.  "Je veux mettre en avant les mots que j’aurais voulu entendre à 13 ans, croyant que ma couleur de peau était une faiblesse."

 

"L'art permet de créer des lieux accessibles à tout le monde, on aime ou on n'aime pas, mais on rassemble malgré nos différences."

Découvrez l'exposition Selma, l'après Martin Luther King, du 13 au 25 novembre au Carré des Jalles.

En savoir plus